© CDHS - SAINT-CLEMENT - 2019
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Bienvenue
sur l’Espace de…
« Joson et La Poux »
La faim
Tout
prisonnier
quel
qu’il
soit,
est
un
homme
qui
a
eu
faim.
Tous
ont
souffert
de
ce
mal
au
moins
dans
les
jours
qui
ont
suivi
la
capture,
dans
les wagons pendant le transfert en Allemagne, pendant les premières semaines au camp.
Ceux
qui
sont
restés
jusqu’au
bout,
comme
Joson
,
l’ont
connue
à
nouveau
dans
les
derniers
mois,
de
l’été
1944
au
printemps
1945.
Ils
l’ont
connu
en
eux.
Torture
physique,
creux
permanent
dans
les
estomacs
vides,
affaiblissement
et
dérèglement
des
fonctions
vitales
;
mais
aussi
obsession
morale qui vide le cerveau de toute pensée autre que celle de la nourriture absente.
L’obsession de la nourriture
Entre
les
deux
périodes
de
la
faim
véritable,
les
conditions
de
ravitaillement
ont
été
plus
supportables.
Les
rations
alimentaires
servies
par
les
Allemands
sont
devenues
plus
régulières
et
plus
consistances.
Elles
ont
été
toujours
insuffisantes.
Elles
ont
diminuées
en
quantité
à
mesure
que
l’Allemagne
elle-même
devait
s’imposer
des
restrictions,
surtout
à
partir
de
1943.
Ce
fut,
par
excellence,
le
temps
des
ersatz
:
pain
de
son
mêlé
de
diverses
farines
;
boudins
au
contenu
solide
indéfinissable,
en
tout
cas
dépourvus
de
sang,
margarine
semblable
à
de
la
graisse
à
chaussure,
marmelade au goût étrange, boisson baptisé thé, en réalité simple décoction d’herbes ou de branchages pris à la végétation locale. Au début,
Joson
trouvait
encore
des
pommes
de
terre
dans
la
gamelle.
Après
les
patates
ont
été
remplacées
par
les
ignobles
rutabagas,
à
manger
avec
une cuillère car c’était tellement clair !
Une
autre
variante
au
stalag
IIE
:
il
était
servi
un
nouveau
légume
en
1942
:
le
Schopfgemüse
.
Il
s’agissait
de
feuilles
de
betteraves
à
sucre
apprêtées comme des épinards.
Joson
n’aimait pas le Schopfgemüse.
Quelle
impression
désagréable
on
peut
ressentir
quand
le
sommeil
ne
vient
pas
parce
qu’on
a
l’estomac
vide.
Pour
accentuer
encore
cette
souffrance, la mémoire rappelle les bons gueuletons d’avant-guerre mijotés par
Valérie.
Joson
se
voyait
comme
s’il
était
à
table
les
délicieux
hors-d’œuvre
qui
commençaient
le
repas
;
il
sentait
le
fumet
d’un
poulet
doré
à
point
que
l’on découpe, l’eau venait à la bouche en revoyant les crèmes, les gâteaux, les tartes aux brimbelles ou mirabelles qui terminaient le repas.
Et
encore
l’estomac
de
Joson
se
tortillait
sans
qu’il
puisse
le
calmer.
Comme
se
serait
bon
d’engloutir
une
modeste
bouchée
!
Joson
s’est
juré
de
ne
se
priver
de
rien
quand
il
rentrerait
en
France
mais
en
attendant,
il
ne
dormait
pas.
La
souffrance
continue,
son
estomac
s’agite
de
plus
en
plus et rien ne peut le calmer.
La Faim…